Ryan a 32 ans.
Je rencontre ce dur à cuire de l’Illinois lors d’une soirée improvisée dans ma coloc à Taipei, Taïwan. Mystique sur les bords, karma believer au passé de vendeur de drogues, c’est un ancien monstre de muscles et de virilité, doux comme un agneau au moment où je le trouve. De là où il vient, les hommes de sa trempe ont trois choix : travailler dans une exploitation agricole, une mine de charbon, ou finir en taule. Il a lui-même échappé de justesse à 20 ans de prison et a fui les États-Unis. Depuis, il erre dans la nébuleuse hippie internationale avec un certain succès d’estime.
Il est végan, entouré de clochards célestes comme lui. Il revient tout juste d’un village pour artistes sur la côte est de Taïwan. Le genre d’endroit où les filles ont des anneaux au nez et les mecs font vibrer des bols tibétains. J’ai toujours pensé que ces lieux étaient des paravents d’orgies sexuelles.
Son épaule droite est déboîtée depuis un accident de scooter sur une île maudite des Philippines. La fracture n’a jamais été soignée. Les IRM réalisés à Taïwan sont terrifiants. Il ne se plaint pas. « L’Univers a voulu me mettre sur une autre voie. C’était un signe. » Il voit juste, et loin. « La médecine occidentale ne cherche qu’à soigner les symptômes, à te prendre ou à te retirer quelque chose. Elle ignore les causes profondes de nos maux. Je refuse de me soigner avec du poison plein d’effets secondaires. »
Il y a du vrai, dans ses convictions. La collusion incestueuse entre l’industrie pharmaceutique, la sphère publique, et les intérêts financiers. La violence barbare infligée aux animaux. Le court-termisme qui menace de ruine l’Occident. Il n’a pas raison sur tout pour autant. Inutile, la médecine occidentale ? Elle aurait pu sauver son épaule. On peut manger de la viande et être en parfaite santé. On trouve des ordures dans les communautés hippies.
En dépit des beaux discours, il n’est pas dénué de vices : il va passer la nuit dans un spa-bar à prostitution, entre deux séances de méditation Vipassana. Il est paradoxal… il est bien un être humain. C’est sûrement pour ça que je l’apprécie.
Puis il se met à me parler de tarot, de polyamour, et de tous ces résidus soixante-huitards à la mords-moi le noeud. Je suis moins intéressé.
Très heureux de l’avoir rencontré à Taipei. Je n’irai pas pour autant le retrouver au bord de la plage avec ses congénères. Un hippie, ça va, c’est quand il y en a plusieurs que je ne sais pas où me mettre… comme dirait l’autre.
Peace and Love.
L’aventure continue.
Excellent ! Vivement l’autoportrait ! « Arnaud C., Taipei, 2021 » 😉
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